Oeuvre olfactive — Entends-tu le chant du canari ?
Visionner une vidéo explicative de l'exposition auprès de la commissaire Musée des Beaux-arts de ShebrookeÉvènement -- Rencontre avec l'artiste parfumeure, dimanche 2 février 2025 de 13h00 à 15h30. |
Balade en forêt. Exposition collection MBAS – artistes invités : Alexandra Bachand et Thomas CorriveauEXPOSITION TEMPORAIRE L’atmosphère englobante de la forêt est transposée à cette exposition multisensorielle. Les œuvres réunies font écho à la longue tradition paysagiste de l’art québécois, mais également à des pratiques artistiques qui s’intéressent à la nature dans tous ses détails. |
Entends-tu le chant du canari? par Alexandra Bachand, est une œuvre olfactive qui suscite le sens de l’odorat.
Tandis que la vie paraît menacée alors que la forêt cathédrale se consume, l’artiste parfumeur dévoile un parfum végétal aux notes de sous-bois enfumés, composée à partir de la fleur d’immortelle, laissant entrevoir une lueur d’espoir dans ce sombre paysage.
[ ART OLFACTIF / DÉMARCHE ARTISTIQUE DE L'ARTISTE PARFUMEURE ]
Entends-tu le chant du canari?
2024 / Installation d’art olfactif 1 parfum, matériaux mixtes Par Alexandra Bachand Artiste plasticienne et parfumeure Exposition collective MBAS - BALADE EN FORÊT - |
Dans son installation olfactive Entends-tu le chant du canari ? l’artiste Alexandra Bachand répond au tableau Bois Brûlé (1952) de Jean-Paul Lemieux (1904-1990). Dans cette œuvre, Lemieux représente une forêt ravagée par un incendie. Il ne reste du paysage forestier que quelques souches roussies. La végétation reprend lentement son cours à la suite de la perturbation.
Par sa forme et son propos, l’œuvre propose une référence historique aux canaris des mines. Au XIXe siècle, les groupes de mineurs amenaient un canari dans une cage lorsqu’ils descendaient dans les mines de charbon. L’oiseau était alors un indicateur précoce pour les travailleurs de la toxicité de l’air. Lorsque le chant du canari cessait, il était temps pour les mineurs d’évacuer les lieux.
Bachand interroge dans son dispositif la fragilité de la vie face à la destruction des forêts par les incendies, de plus en plus fréquents et ravageurs. Ces évènements au cœur de l’actualité mettent en péril la survie de plusieurs espèces. Peut-on encore entendre le chant des oiseaux dans ces milieux naturels dévastés par les nouveaux désastres écologiques qui contaminent le territoire ?
Contexte —
Je présente des installations d’art olfactif mettant sur un piédestal, le parfum, comme médium majeur que je façonne, généralement soutenant une forme d’expression symbolique. Le visuel est une métaphore au service du parfum.
J’explore les liens entre la botanique, le temps, l’histoire et la mémoire. Ici, j’aborde le thème de la forêt qui brûle en réponse au tableau Bois Brûlé (1952) du peintre Jean Paul Lemieux qui suscite en moi un sentiment de grande solitude. Même si l’on sait la flore régénérative, l’absence de vie dans ce paysage suggère une faune en péril.
J’ai voulu établir un dialogue en deux temps avec ce tableau, l’écho de celui-ci survient 72 ans plus tard.
Dans le processus de création de mes œuvres, je m’interroge de multiples façons sur la perception d’une odeur sur l’émergence de ressentis, afin de pouvoir tisser des liens entre les accords que je construis. La force d’évocation d’une odeur réside dans la justesse de narration qu’elle sous-tend.
Quel impact l’odeur d’une forêt suscite-t-elle en nous si elle a des connotations de feuilles mortes et de bois brûlés, voir calcinés?
L’installation parle de la valeur quant à l’éphémère, face à la chute d’une forêt cathédrale en feu diffusant des notes de cèdre du Japon, de bois de Oud, de fleurs d’immortelle et de mousse de chêne, brisant l’impermanence du temps et de la vie. Entendons-nous encore la présence des oiseaux dans ce sanctuaire naturel en proie aux flammes? Pour accentuer l’urgence, j’installe un déséquilibre entre la synesthésie de deux sens : l’odorat et l’ouïe. Dans cette installation immersive, doit-on écouter la coupole ? L’audition se voit confronté à la puissance de l’odorat.
En questionnant si l’on entend le chant du canari alors que l’installation propose l’odeur d’une forêt brûlée à titre de réponse, une confusion s’installe entre nos sens.
Le symbole historique du canari des mines, dont la fragilité pulmonaire avertissait jadis les mineurs de quitter les lieux avant que l’air ne soit complètement toxique, sinon mortel, exprime que le temps est compté.
L’odorat est un sens vital qui alerte en cas de danger. Une odeur de feu déclenche une sonnette d’alarme. Si l’oiseau a déjà quitté les lieux, l’humain a la possibilité de faire les choses autrement. Entends-tu le chant du canari? est un rappel que la forêt brûle et qu’il est urgent d’agir.
En complément, je présente l’œuvre olfactive murale Per fumum sylvestre (2024), exposée à la galerie de L’Espace Dialogue, à l’entrée du musée.
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